Louis-Engelbert d'Arenberg
3 août 1750 à Bruxelles
† 6 mars 1820 à Bruxelles
6e duc d'Arenberg
12e duc d'Arschot
grand d'Espagne
chevalier de l'Ordre de la Toison d'or
aristocrate et homme politique belge, des XVIIIe et XIXe siècles
Fonctions héréditaires
Décorations
Fonctions
Titres
Biographie
Louis-Engelbert, duc d'Arenberg, d'Arschot et de Croÿ, fils aîné de Charles-Marie-Raymond, naquit à Bruxelles le 3 août 1750.
Il est le petit-fils du duc Léopold Philippe Charles Joseph d'Arenberg, gouverneur de la province de Hainaut, qui protégea et pensionna Jean-Baptiste Rousseau.
La famille d'Arenberg, une des premières de l'aristocratie européenne, est issue de l'illustre maison de Ligne.
À l’exemple de ses aïeux, il embrassa de bonne heure la carrière des armes, mais un événement funeste le força, lorsqu’il n’avait encore que vingt quatre ans, de l’abandonner : il était à la chasse, dans le parc d’Enghien, avec plusieurs de ses amis ; l’un d’eux, par mégarde, lui tira un coup de fusil qui le frappa au visage et lui fit perdre la vue.
Sa cécité n’empêcha point l'impératrice Marie-Thérèse de lui conférer, après la mort de son père, la charge de grand bailli de Hainaut (15 avril 1779) ; seulement, pour prévenir toute surprise, elle voulut que les actes et pièces qui émaneraient de lui en cette qualité fussent contre-signés par un secrétaire ayant prêté serment entre les mains du chef et président du conseil privé : elle lui conserva, du reste, comme elle l’avait fait à ses deux prédécesseurs, le pouvoir de nommer le magistrat de Mons, qui formait l’une des plus belles prérogatives attachées au grand bailliage (11 juillet 1779)
Joseph II, le 30 décembre 1782, le créa chevalier de la Toison d'Or.
Ce monarque avait, en matière d’administration publique, des principes rigoureux : il n’admettait pas qu’une charge aussi éminente que celle de grand bailli pût être exercée par quelqu’un qui était privé de la vue ; il trouvait mauvais aussi que le grand bailli de Hainaut ne résidât point à Mons : au mois de décembre 1787, sans avoir égard aux services que le père, l’aïeul et le bisaïeul du duc avaient rendus à sa maison, ni aux mécontentements que sa décision allait causer, alors que son système de réformes suscitait déjà tant d’opposition, il donna l’ordre au comte de Trauttmansdorff, son ministre plénipotentiaire à Bruxelles, « de faire immédiatement rendre vacant le grand bailliage de Hainaut. » Trauttmansdorff signifia au duc la volonté de l’Empereur en des termes qui ne souffraient point de réplique. Le duc lui fit une réponse pleine de dignité et de patriotisme :
« Mon serment et mon devoir vis-à-vis de Sa Majesté, lui dit-il, m’ont empêché de lui offrir plus tôt ma démission du grand bailliage de Hainaut, persuadé que, dans ces derniers embarras, mon attachement pour l’auguste maison et mon zèle pourraient ramener la confiance, et par là concourir aux vues bienfaisantes de Sa Majesté. Il me suffit que mes services ne puissent plus lui être agréables pour que sur-le-champ je vous prie de lui présenter l’acceptation de ma démission. Mon état, il est vrai, pénible pour moi, m’a fait sentir en ces derniers instants tout son poids et son amertume: mais on a des forces quand c’est l’honneur et l’attachement pour la patrie et le souverain qui nous guident, et ce sont eux qui ont présidé à toutes mes actions. »
La charge fut alors accordée au comte d'Arberg de Valengin.
Deux années après, toutes les provinces des Pays-Bas autrichiens se soulevaient contre Joseph II et prononçaient sa déchéance.
Le duc d’Arenberg, à la suite de sa rupture avec l’Empereur, avait quitté la Belgique ; il se hâta d’y revenir, et prit, dans les premiers temps, une part active à la révolution brabançonne.
Réintégré, par les états de Hainaut, dans la charge de grand bailli de la province, il se rendit, le 2 janvier 1790, à Mons, dont les habitants lui firent une réception enthousiaste.
Le 4, il vint à Bruxelles ; il y fut accueilli avec toute sorte d’honneurs : des volontaires à pied et à cheval allèrent à sa rencontre ; une multitude de peuple se trouva sur son passage, le saluant de ses acclamations.
Depuis l’expulsion des Autrichiens, les états de Brabant étaient en permanence ; il s’empressa d’aller occuper son siège de pair dans leur assemblée.
Mais l’esprit qui dominait aux états, où l’influence de l’avocat Vander Noot était toute-puissante, n’était pas le sien ; comme son frère le comte de La Marck et le duc d'Ursel, son beau-frère, il avait épousé les opinions démocratiques de l’avocat Vonck.
Maison du Roi (Broothuys), sur la grand’place de Bruxelles
aujourd'hui le musée de la ville de Bruxelles.
Le 11 janvier, il se fit agréger au serment de Saint Sébastien, qui choisit le comte de La Marck pour son chef-doyen ; lui-même il fut élu chef-doyen du grand serment1
Son installation dans cette dignité eut lieu le 10 février ; elle fut marquée par un incident qui produisit une grande sensation.
Il s’était présenté, à la tête des cinq serments2, à la Maison du Roi (Broothuys), sur la grand’place, lieu fixé pour la cérémonie ; le vin d'honneur lui avait été offert, et un compliment lui avait été adressé, qui se terminait par ces paroles: « Si l’ennemi de nos Provinces-Unies ose disputer nos droits..., monseigneur! la victoire est à nous : nous en avons pour garant votre patriotisme, le sang héroïque que tant d’illustres aïeux vous ont transmis, notre valeur, celle de nos intrépides volontaires agrégés, et notre cri de guerre : Vive Arenberg ! » Alors on lui fut la formule du serment qu’il avait à prêter. Lorsqu’il eut entendu qu’il s’agissait de reconnaître la souveraineté des États du Brabant et d’y rendre hommage, il se refusa à ce qu’on réclamait de lui.
Le lendemain il écrivit au commissaire du grand serment et aux chefs-doyens des autres une lettre, qu’il livra à la publicité, pour expliquer sa conduite :
« Vous devez, leur dit-il, me rendre la justice de croire, vous à qui mes actions ont toujours été connues, qu’aucune considération au monde ne peut me faire oublier pour un seul instant ce que je dois à la patrie, quand tous les vrais amis de la liberté se réunissent pour assurer son bonheur. Pouvez-vous me croire capable de balancer entre mes propres intérêts comme membre des états et le grand intérêt du public, qui se demande aujourd’hui si les états ont une existence effective ? Non, messieurs, il ne peut être question entre vous et moi que d’un serment pour la conservation de priviléges que je respecte parce que leur utilité est évidente ; il ne peut être question que de la conservation du corps où vous m’admettez pour chef, et je ne pourrai prêter, pour cet objet, que le serment que je vous présente »
Par ce serment, il jurait de maintenir les privilèges et défendre les prérogatives, franchises et immunités du grand serment, ainsi que des autres serments de la ville, « pour le bonheur des habitants et de la patrie, la conservation de la liberté, la sécurité générale et individuelle et la félicité publique »
Quelques jours après, il réunit dans un banquet tous les chefs-doyens et doyens des serments et tous les officiers des compagnies de volontaires ; la table était de deux cent quarante couverts.
À cette fête des toasts furent portés en l’honneur du parti démocratique et de ses chefs ; le duc lui-même proclama la suprématie de la nation sur les états.
On peut juger si, par cette conduite, il s’était attiré l’animadversion des fanatiques partisans de Vander Noot : aussi, à la suite de la fameuse adresse où la société patriotique demandait que la nation fût consultée à l’égard de la forme de gouvernement à établir, se vit-il désigné à la colère du peuple, quoiqu’il n’eût point signé cette adresse3
Bruxelles fut le théâtre de pillages et des scènes de désordre durant trois jours (les 16, 17 et 18 mars 1790) : le duc d'Arenberg, voyant avec douleur qu’une révolution faite pour rétablir le règne des lois et de la liberté aboutissait aux actes de violence les plus scandaleux, alla s’établir à son château d’Enghien dans le Hainaut.
À dater de ce moment, il cessa de s’occuper des affaires publiques ; il ne revint même que rarement à Bruxelles, où ses démarches étaient surveillées. Quelque temps avant la restauration autrichienne, il partit pour l’Italie. Étant à Rome, il se réconcilia, par l’entremise du cardinal d'Herzan, avec l’empereur Léopold II, qui lui fit offrir de lui rendre le grand bailliage de Hainaut ; il déclina cette offre, en alléguant les embarras que sa cécité lui causerait.
À la première entrée des Français en Belgique (armée du Nord), sous le commandement de Dumouriez, les citoyens furent convoqués dans toutes les villes, pour se donner de nouveaux administrateurs : le 18 novembre 1792 eut lieu à Bruxelles, en l’église Sainte-Gudule, une assemblée populaire qui procéda à l’élection de quatre-vingts représentants provisoires de cette ville ; le duc d’Arenberg était le vingtième et le duc d’Ursel le vingt quatrième sur la liste.
Ce dernier siègea à l’hôtel de ville ; mais le duc d’Arenberg s’excusa, « sur sa situation et nommément sa cécité, » d’accepter les fonctions auxquelles il avait été appelé4
Après que les Français eurent, en 1794, occupé une seconde fois la Belgique, il se retira en Allemagne.
Le traité de Lunéville (9 février 1801), qui transféra à la première République française la souveraineté et propriété de tous les pays et domaines situés sur la rive gauche du Rhin, fit perdre au duc d’Arenberg, avec son duché, les comtés de Kerpen et de Kasselburg (de) (Gerolstein), la seigneurie de Fleringen (Rhénanie-Palatinat) (de), la baronnie de Kommern (de) et la seigneurie de Harzeim, les seigneuries de Sassenbourg et de Schleiden (voir Comté de Schleiden (de) dans l’« Eyffel » et quelques autres terres.
Par le recès de la dernière séance de la Diète d'Empire tenue le 25 février 1803 à Ratisbonne, et en exécution de l’article 7 de cette résolution, il lui fut assigné, à titre d’indemnité, le comté de Recklinghausen (Ruhr), qui faisait partie de l’électorat de Cologne, et le bailliage de Meppen (Allemagne), dépendant de l’ancien évêché de Münster (de)
Ces deux pays, dont la population était d’environ soixante et dix mille âmes, furent érigés en duché d'Arenberg-Meppen (de)
En 1815, le bailliage de Meppen fut placé sous la souveraineté du roi de Hanovre tandis que Recklinghausen fut placée sous celle du royaume de Prusse.
Les biens du duc d’Arenberg en France et en Belgique étaient sous le séquestre depuis 1794.
Pour les recouvrer, il se vit dans l’alternative, ou de les vendre dans le délai de deux ans, ou de les abandonner à ses fils, alors mineurs, à moins qu’il ne préférât céder à son fils aîné ses possessions d’Allemagne, avec tous les droits politiques qui lui compétaient comme membre de l’Empire germanique, et rentrer en France avec ses fils puînés.
Ce fut ce dernier parti qu’il adopta : en conséquence, un arrêté du gouvernement de la république, du 6 brumaire an XII (29 octobre 1803) leva le séquestre existant sur ses biens, sans toutefois lui accorder d’indemnité pour ceux qui avaient été aliénés.
Il avait dû aussi renoncer à son titre de duc. Napoléon Ier, devenu empereur des Français, pour l’attirer à Paris, le fit comte de l'Empire (26 avril 1808), sénateur (20 mai 1806), chevalier, puis officier de la Légion d'honneur et grand officier de l’ordre de la Réunion.
Le duc n'est recherché par Napoléon qu'en raison de son nom et de son origine, d'ailleurs, son passage au Sénat ne laisse aucune trace.
L'Empereur le dédommage par des domaines en Westphalie de la perte des possessions que le traité de Lunéville lui a enlevé sur la rive gauche du Rhin.
Après les événements de 1814, il revint en Belgique ; le 23 septembre de cette année, il reçut, à son château d'Heverlee, le prince souverain des Pays-Bas, Guillaume d'Orange, qui visitait, pour la première fois, la ville de Louvain.
Dans le même temps, d’accord avec son fils, le duc Prosper-Louis, il rentra en possession du duché d'Arenberg.
Après la chute de l'Empire, d'Arenberg montre la plus vive aversion pour les partisans de l'Empereur déchu, qu'il avait, lui-même accepté de servir.
Il mourut à Bruxelles le 7 mars 1820
« Un grand nombre de vertus et de qualités aimables, dit un journal du temps, l’avaient fait respecter et chérir... Noble par caractère, bon par naturel, d’une humeur égale et douce, ses amis et tous ceux qui l’ont connu perdent en lui l’un de ces hommes dont chaque parole est l’empreinte d’une belle âme5 »
Au témoignage de ses contemporains, il faisait, avec une dextérité singulière, servir ses autres sens à remplacer celui dont il était privé depuis sa jeunesse.
Les enfants du duc Louis-Engelbert d'Arenberg et de Pauline-Louise de Brancas (1755 † 1812)
Pierre d'Alcantara (1790-1877)
1er duc français d'Arenberg, Pauline (1774-1820), Prosper-Louis (1785-1861)
7e duc d'Arenberg. Miniature de 1791
Vie familiale
Le duc Louis-Engelbert avait épousé, le 19 janvier 1773, Pauline-Louise-Antoinette-Candide, fille du duc de Brancas-Villars, comte de Lauraguais
il en eut quatre fils et une fille.
Sa fille, Pauline d'Arenberg épouse du prince de Schwarzenberg, meurt dans un incendie en 1810, lors du bal donné à l'ambassade d'Autriche à l'occasion du mariage de Napoléon avec Marie-Louise.